Pharmacie Jacobs où est né le Coca-Cola

Qui était le Dr Joseph Jacobs ?

À l'occasion du 130e anniversaire de Coca‑Cola, Ted Ryan (Directeur de la communication patrimoniale de The Coca‑Cola Company) revient pour Journey sur une figure méconnue : le Dr. Joseph Jacobs, fondateur de la pharmacie où est né le Coca‑Cola.

18/05/2016

Au cours de mes 19 années passées au sein des Archives de Coca‑Cola, j’ai dû prononcer des milliers de fois la phrase : « Coca‑Cola a été servi pour la première fois le 8 mai 1886 à la pharmacie Jacob’s ». À force de répéter cette phrase, la pharmacie Jacob’s avait fini par devenir un « concept » plutôt qu’un lieu ou une boutique dirigée par une famille. Cette année j’ai voulu approfondir un peu le sujet et vous présenter le Dr. Joseph Jacobs, le fondateur de la pharmacie du même nom.

Le pharmacien devenu homme d'affaires

Né à Jefferson, en Géorgie, Joseph Jacobs suit des études sous la direction du Dr. Crawford W. Long, le médecin de Jefferson à l’origine de la découverte du pouvoir anesthésiant de l’éther. Ce dernier a joué un rôle déterminant dans l’admission de Joseph Jacobs au sein de l’Université de Géorgie. Une fois diplômé, Joseph Jacobs poursuit sa formation au Philadelphia College of Pharmacy and Science avant de rentrer à Athens, en Géorgie, où il ouvre la Athens Pharmaceutical Company. La ville d’Atlanta alors en pleine expansion, attire le jeune homme qui y emménage en janvier 1884. Il acquiert la Taylor Pharmacy en plein centre-ville.

En 1929, le Dr. Jacobs écrit un article pour la revue pharmaceutique spécialisée Drug Topics, intitulé : « Comment j’ai acquis et cédé une participation dans Coca‑Cola. » Il y décrit la fontaine à soda située dans son bâtiment. « À droite de l’entrée se trouvait une fontaine à soda que tenait Willis Venable, assisté de son frère, John, et de son fils Edward (aujourd’hui l’un des plus grands restaurateurs d’Atlanta). La fontaine bénéficiait d’une excellente réputation et son succès était considérable. En moyenne, les différentes boissons qu’elle servait lui rapportaient 150 dollars par jour. » Comme il était de coutume à l’époque, les fontaines étaient souvent installées dans des espaces loués aux propriétaires de pharmacies. C’était le cas avec Willis Venable et Joseph Jacobs.

Bien plus qu'une pharmacie

Il est important de rappeler à quoi ressemblaient les pharmacies en 1886. Il s’agissait davantage de petites épiceries qui délivraient, aussi, des médicaments. Ouvertes aux hommes et aux femmes, elles étaient considérées comme des lieux de convivialité et de lien social. Les clients pouvaient y acheter le journal, réaliser quelques emplettes ou se détendre à la fontaine. À l’époque, la pharmacie Jacob’s était l’une des principales officines d’Atlanta.

Sa popularité repose alors en grande partie sur les pratiques commerciales innovantes appliquées par le Dr Jacobs. Il est en effet l’un des premiers commerçants d’Atlanta à avoir proposé des remises sur ses articles. Voici une anecdote intéressante à ce sujet : la plus petite monnaie utilisée à Atlanta après la Guerre de Sécession était le nickel (5 cents). Jacobs y voit une opportunité et achète pour 300 dollars de pièces de 1 cent (le « penny ») à la Monnaie de Washington. Il commence à proposer des remises allant de 1 dollar à 98 cents afin de pouvoir rendre la monnaie. Les remises remportent du succès auprès des clients mais irritent ses concurrents qui n’hésitent pas à lui adresser des menaces ou à le poursuivre en justice. Mais Joseph Jacobs reste fidèle à sa stratégie et, tandis que la colère couve, la pièce de un cent s’installe définitivement à Atlanta.

Coca‑Cola passe de mains en mains

Comme l’écrit Joseph Jacobs dans son article de 1929, il n’aura été copropriétaire de The Coca‑Cola Company que pour une courte durée. Willis Venable avait racheté au Dr. John Pemberton, l’inventeur du Coca‑Cola, une partie de sa participation. Ce rachat permet à John Pemberton de rester actionnaire mais également de recevoir de Willis Venable une redevance par gallon vendu. À court d’argent, Willy Venable décide de céder une partie de la formule à Joseph Jacobs en échange d’une avance de trésorerie.

C’est alors qu’Asa Griggs Candler fait son entrée en scène. Joseph Jacobs et Asa Candler se connaissent bien puisqu’ils étaient les deux principaux pharmaciens d’Atlanta. Candler avait même envoyé son fils, Charles Howard Candler, travailler dans la pharmacie Jacob’s pour y apprendre le métier. Asa Griggs Candler exprime alors son souhait de se retirer de l’industrie pharmaceutique. Joseph Jacobs lui répond qu’il ne connaît pas grand-chose au Coca‑Cola et qu’il souhaite se défaire de sa participation dans le produit. Les deux concluent alors un accord en vertu duquel Asa Candler octroie à Joseph Jacobs une participation dans une verrerie en échange de sa participation dans Coca‑Cola. Puis Asa Griggs Candler rachète la part de John Pemberton et prend rapidement le contrôle de l’entreprise.

La réussite malgré tout

« Après avoir cédé mes parts dans Coca‑Cola à M. Candler, je n’ai plus jamais rien possédé dans l’entreprise, ce qui témoigne de ma piètre capacité de discernement », écrit Joseph Jacobs. Il convient pourtant de lui rendre justice pour sa réussite en tant que chef d’entreprise. Depuis son magasin de Five Points, il continue de développer ses activités et devient le plus important propriétaire de drugstores de la ville. À sa mort, en septembre 1929, Joseph Jacobs était propriétaire de huit magasins à Atlanta. Son fils, Sinclair Jacobs, également pharmacien, poursuit l’expansion de la chaîne et créé 21 magasins dans le Sud des États-Unis. Après la Seconde Guerre mondiale, Sinclair Jacobs revend la chaîne à Revco Drugs.

Joseph Jacobs était également un membre très respecté de la congrégation juive The Temple. Son fils Sinclair en devint le président dans les années 1940. La famille possédait une propriété de 16 hectares sur Roswell Road, au nord du quartier de Buckhead. Sinclair meurt en 1977 et laisse un fils, Tory, qui a vécu à Miami jusqu’à sa mort en 2011.

Si la pharmacie Jacob’s de Five Points n’existe plus depuis longtemps, vous pouvez néanmoins approcher d’un peu plus près l’histoire de cette famille en visitant le cimetière historique d’Oakland à Atlanta. Vous y découvrirez le mausolée de la famille Jacobs, l’un des premiers et des plus élégants de la ville. Ainsi, la prochaine fois que vous lirez ou entendrez la phrase « Coca‑Cola a été servi pour la première fois le 8 mai 1886 à la pharmacie Jacob’s », j’espère que vous en saurez un peu plus sur l’homme qui se cache derrière ce nom.